Comprendre ses insatisfactions au travail…

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… ou comment comprendre et analyser ce que nous n’aimons pas, nous aide à comprendre qui nous sommes.

Confucius aurait dit il y a maintenant déjà 2500 ans : « Choisissez un travail que vous aimez, et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ». Si le sens de ce conseil est assez évident, il occulte cependant une importante réalité. Toute activité, professionnelle ou non, présente des avantages, que l’on espère nombreux, et des conséquences concrètes que l’on cherche évidemment à minimiser. Et la décision de changer, d’arrêter ou de faire évoluer sa carrière passe généralement par la mise en balance de ces deux faces indissociables.

Il va de soi que quand les plateaux s’approchent de l’équilibre, il est largement temps de s’interroger. L’essentiel de la littérature et des professionnels de l’accompagnement professionnel focalise à raison sur la face apparente de la lune en amenant celui qui s’interroge à identifier ses centres d’intérêts et ses passions, à savoir qui il est et quel environnement est le plus congruent pour lui (voir mon billet Utilisons une boussole pas une carte !). Depuis Confucius, tout le monde répète le même refrain. Pourtant, chacun apprend aussi de ce qu’il n’aime pas et bien souvent on connaît ce que l’on veut éviter avant de savoir ce que l’on veut réellement et c’est une première et précieuse source d’information pour qui sait l’explorer ! Je sais ainsi pertinemment depuis mon enfance que je ne travaillerai jamais dans une banque, mais qu’est-ce que cela veut dire exactement. Il me paraît dès lors essentiel d’étudier le revers de la médaille pour utiliser au mieux la boussole.

Tournons notre regard vers les inconvénients et demandons-nous : qu’est-ce que je n’aime pas dans ce que je fais ? Est-ce lié à ce que je fais, c’est à dire les activités principales que j’effectue – vérifier la comptabilité, négocier au téléphone, écrire des lignes de code – ou à comment je le fais (ce qui inclut aussi, pour qui et avec qui je le fais) ? Ces variables de contexte sont très importantes pour comprendre la différence entre, d’un côté, je n’aime pas ou plus ce que je fais (et pour autant je le fais jusqu’à présent) et, de l’autre côté, je n’aime pas comment (et pour qui ou avec qui) je fais ce que j’aime ou non faire. Dans le premier cas, il peut être temps d’envisager de changer de métier, dans le deuxième cas, il vaudrait mieux changer de secteur, de service ou d’entreprise, se mettre à son compte ou, au contraire, redevenir salarié… Évidemment si vous n’appréciez ni ce que vous faites, ni l’environnement ou la manière de le faire, la solution paraît simple : arrêtez le plus rapidement possible ! Ce que je peux résumer par le tableau ci-dessous.

ce que je fais et comment je le fais

Ce tableau simpliste occulte cependant une nuance importante. L’impact des inconvénients sera bien différent selon qu’ils sont liés à l’activité en elle-même (par exemple écrire implique d’écrire/lire/ré-écrire/relire à nouveau, c’est à peu près sans fin…) ou au contexte et à l’environnement (écrivez-vous pour le meilleur magazine de cinéma ou pour une revue de communication d’entreprise sans âme) ? Il y a fort à parier que quand vous vous interrogez sur le sens de ce que vous faites, quelque soit le contexte, les carottes sont cuites et les turbulences se manifesteront vite.

Ce questionnement implique aussi de discerner ce qui est une contre-partie (impondérable) de ce qui est un coût (perte). Car il y a toujours des contre-parties : la fatigue, le stress, le temps passé, l’énergie, le manque d’autonomie, des dépenses comme des vêtements spécifiques, des trajets, l’éloignement et les nuits d’hôtels, les relations avec les collègues, la hiérarchie, les clients ou les fournisseurs… La liste est probablement sans fin. Pour ma part, je n’aime pas rester assis devant un écran pourtant s’il s’agit de transcrire ce billet commencé sur papier, cet effort est indolore. Ce n’est pas un coût, juste une formalité largement justifiée par le plaisir d’écrire et de partager mes réflexions. Et quand je fais du sport, la transpiration pèse peu dans la balance face au plaisir et à la satisfaction de l’effort.

Qu’êtes-vous prêt.e à accepter et jusqu’à quel point ? À quel moment, une contre-partie acceptable se transforme-t-elle pour vous en un coût ?

Pensez à une passion ou un centre d’intérêt majeur et imaginez que vous la transformiez en une activité professionnelle rémunérée. Personnellement, j’aime cuisiner pour la famille et les amis, mais je sais très bien que je me tromperais en voulant en faire mon métier. C’est-à-dire, tous les jours, pour 50 personnes, du matin au soir. Le ratio coût/bénéfice ne résisterai pas à l’accroissement du volume d’activité car la passion ne peut pas être le seul moteur du choix professionnel. Elle doit être contextualisée en cohérence avec votre personnalité professionnelle et vos capacités et compétences. Voici ce que donnerait sûrement cette transformation.

bénéfices et coûts

En effet, il me semble que les bénéfices et les coûts, tout en étant intimement liés, obéissent à des règles de progression qui leur sont propres et il y a de fortes chances pour que les bénéfices atteignent leur apogée avant les coûts. Il n’y a pas d’équation infaillible pour déterminer à quel moment une contre-partie devient un coût, c’est un gradient progressif qui dépend autant de vous que de votre environnement étant donné que la situation est toujours complexe et dynamique, c’est-à-dire changeante.

Je vous propose dès lors quelques questions simples pour vous aider à identifier les sources de désagrément et éviter que des contre-parties inhérentes à toute activité n’ouvrent la voie à l’insatisfaction.

Pensez aux changements ou au contraire aux immobilismes dans votre environnement de travail qui génèrent des désagréments : salaire, bénéfices et avantages divers ; conditions matérielles d’exercice ; temps de trajet ; ambiance ; collègues et hiérarchie ; méthodes et processus ; outils, logiciel, matériel…
Qu’est-ce qui vous déplaît précisément ? Quelles sont les conséquences concrètes pour vous en terme de temps, d’énergie, de fatigue ? Les modifications ou les corrections à y apporter sont-elles de votre ressort ? Pouvez-vous saisir des opportunités d’évolution ? Lesquelles ?

Analysez la fréquence et l’intensité des inconvénients : un peu de reporting, une réunion hebdomadaire, des heures supplémentaires, un collègue absent à remplacer au pied levé, un coup de rush, un déplacement de temps à autre ça passait, tous les jours, toutes les semaines, tous les mois ça fait peut-être trop.
Qu’est-ce qui était ponctuel et qui devient désormais la norme ? Est-ce que la situation semble réversible ou devient de pire en pire ? Qu’est-ce qui était tolérable et qui devient désormais aigu ? Avez-vous votre mot à dire sur cette situation ? Quelle est votre niveau d’acceptation du changement, votre seuil de résistance face à la difficulté ? Êtes-vous soutenu.e par vos proches ?

Interrogez-vous sur vos attentes, vos intérêts, vos envies, vos projets, votre situation familiale.
Quelles sont les raisons qui vous ont amené à choisir et effectuer ce métier, ce travail, créer cette entreprise ? Est-ce qu’elles sont toujours d’actualité ? Cette activité est-elle compatible avec l’évolution de votre situation familiale : divorce, mariage, garde d’enfants ? Que pouvez-vous faire pour l’accorder avec votre nouvelle situation ? Y avez-vous trouvé la satisfaction, l’excitation, le salaire, le statut, la carrière, l’accomplissement, la possibilité d’expression de vos talents que vous aviez imaginés ? Si non, pourquoi ? Qu’avez-vous appris sur vous-même en réalisant cette activité ?

Réfléchissez enfin à ces différentes contre-parties.
Sont-elles liées à l’activité ou au contexte de l’activité ? Est-ce un seul inconvénient ou plusieurs associés ? Comment se combinent-ils ? Se renforcent-ils mutuellement ou sont-ils indépendants ? Y en a-t-il un qui a semble avoir un impact plus important que les autres ? Lequel ? Pourquoi ?

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